Interview de la Présidente de l’ONG AGIR, Délali Sena Ségbaya « la violence n’est jamais justifiée, à plus forte raison envers les femmes »

©Newsoftogo-(Lomé, le 18 décembre 2020)-Créée le 28 mai 2010, l’ONG Action-Genre-Identité et Responsabilité (AGIR), une association de femmes qui fait de la protection et la défense des droits humains, équité-genre, promotion de la santé et du développement socio-économique des femmes et des enfants son cheval de bataille. Dans une interview accordée à notre rédaction Délali Sena Ségbaya revient sur l’objectif de son association, sa contribution dans la lutte contre les violences faites sur la gente féminine surtout pendant la période sanitaire liée à la Covid-19 au cours de laquelle les femmes et les filles sont plus à risque de subir des violences de la part de leur partenaire intime et d’autres formes de violence domestique en raison des tensions accrues au sein des ménages. Pour la Présidente de cette association, il les jeunes doivent prendre conscience que la violence n’est jamais justifiée, à plus forte raison envers les femmes mères et débrouillardes qu’elles soient mariées ou non. Par ailleurs, l’ONG AGIR a développé une application dénommée « Mofiala », le guide en Ewé avec pour objectif principal de « signaler les abus ».
Présentez-nous votre association
Avant tout, merci pour la tribune offerte en cette période particulière liée à la crise sanitaire de coronavirus (Covid-19). L’Organisation Non Gouvernementale Action-Genre-Identité et Responsabilité (AGIR) est une association de femmes pour la protection et la défense des droits humains, équité-genre, la promotion de la santé et du développement socio-économique des femmes et des enfants. AGIR est créée le 28 mai 2010 et intervient dans trois (3) principaux domaines notamment les « Droits humains (promotion et protection des droits des femmes et des enfants, équité-genre, lutte contre les violences basées sur le genre et/ou VIH …) », « la Santé (santé de la mère et de l’enfant, santé sexuelle et reproductive, accès équitable aux soins, traitements, IST / VIH, prévention et prise en charge des maladies transmissibles ou non) » et « le Développement socio-économique des femmes et des familles (alphabétisation, formation professionnelle, insertion socioprofessionnelle, groupements féminins et activités génératrices de revenu).
Il faut dire que la vulnérabilité économique des femmes en général et son accentuation par l’infection à VIH, les différentes formes de dénigrement, de stigmatisation, de discrimination et de rejet par la communauté y compris parfois les parents et amies, sont entre autres les raisons pour lesquelles les femmes infectées et affectées ont décidé de se mettre en association pour prendre leur destin en main et œuvrer à visage découvert que de se mettre derrière les hommes.
Vous venez de parler d’une période particulière, qu’est-ce donc ?
Effectivement nous traversons une période particulière, celle de la Covid 19 qui marque le monde et laisse un impact sur les habitudes de la population. En période de crise, comme c’est le cas de coronavirus, les femmes et les filles sont plus à risque de subir des violences de la part de leur partenaire intime et d’autres formes de violence domestique en raison des tensions accrues au sein des ménages. Les systèmes qui protègent les femmes et les filles, y compris les structures communautaires, se fragilisent voire s’effondrent à cause de la peur et le stress induits par l’épidémie mais aussi par les mesures sanitaires.
Les épidémies touchent les femmes et les hommes différemment, et les pandémies aggravent les inégalités existantes pour les femmes et les filles ainsi que la discrimination d’autres groupes minoritaires ou marginalisés tels que les personnes handicapées, les populations clés et celles en situation d’extrême pauvreté. Cela doit être pris en compte et combattu pour un accès équitable à l’information, au dépistage, aux soins et traitement aussi que d’autres appuis pour les femmes et les hommes mais surtout le respect des droits des uns et des autres quel que soit le statut sérologique, l’orientation sexuelle et l’identité du genre.
La nature essentielle des organisations de la société civile en tant qu’intervenants de première ligne a été reconnue très rapidement dans l’évaluation du rapport du Secrétaire Général des Nations Unies publié en avril 2020 et intitulé « Responsabilité partagée et solidarité mondiale : Gérer les retombées socioéconomiques de la COVID-19 ». Antonio Guterres a appelé les États membres à reconnaître le rôle des Organisations de la Société Civile (en particulier des organisations de femmes) dans la réponse communautaire.
Avec la survenue de la pandémie de Covid 19, les VFF ont augmenté selon vous ?
Malheureusement, oui. Parce que les habitudes ont changé. Les femmes qui viennent des localités environnantes de la capitale togolaise par exemple n’ont plus eu la possibilité de poursuivre leurs petits commerces à cause du bouclage, les tarifs de transport commun ont augmenté pour respecter la distanciation dans les véhicules, ce qui affecte le pouvoir économique des femmes en particulier. La cohabitation due aux couvre-feux crée aussi des frictions et les hommes ont tendance à porter main. Des adolescentes ont été violées par des proches de famille durant cette période…
Il faut aussi dire qu’il y a des violences psycho-morales, physiques, économiques, sexuelles y compris les mariages précoces et forcés, les harcèlements, viols…
Depuis le 17 novembre 2020, nous avons organisé plusieurs activités : d’abord un atelier regroupant les OSC œuvrant pour les droits de la femme et l’équité genre, le partenaire ONUSIDA et la CNGR. Ceci avait pour objectif de de susciter un consensus sur l’implication de la société civile dans la prévention de la COVID 19 et la lutte contre les violences basées sur le genre en lien avec la COVID 19 au Togo.
En outre nous avons organisé des émissions sur les médias afin de sensibiliser la population sur les VFF depuis le 13 novembre.
Nous avons également fait des dons de masques et gels hydroalcooliques à des femmes séropositives à Lomé, des élèves de la Commune Zio2.
Tout ceci est fait pour soutenir les femmes dans le contexte de Covid19 et grâce au partenaire ONUSIDA.
Vous avez développé une application pour signaler les abus de VFF. Comment ça fonctionne ?
En effet, l’application Mofiala « Le guide » en Ewé, a pour objectif de signaler les abus et contribuer à mieux protéger les femmes. L’application est en français, mais elle est intuitive par les icones qui permettent de comprendre qu’on peut signaler les abus en enregistrant un audio, une image, une vidéo ou encore par écrit. Selon la déclaration d’abus, la victime peut être orientée vers sur le plan juridique, le côté psychologique ou encore le plan médical. Justement sur le plan médical, il y a plusieurs centres médico-sociaux (CMS) répertoriés sur une carte virtuelle, ceci pour que la victime, au besoin puisse aller vers le CMS le plus proche pour se faire soigner. Un onglet sensibilisation permet de porter des messages aux utilisateurs.
Cette application Mofiala est d’envergure nationale et surtout fonctionne dans la confidentialité. Pour bénéficier de consultations médicale et psychologique ainsi que d’une assistance juridique suite à des actes de violences faites aux femmes et aux filles, aux violences basées sur le genre en lien avec le statut VIH ou Covid 19, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, télécharger et installer l’application « Mofiala », en version mobile sur Google Play Store gratuitement ou en version web sur www.ongagir.com. Nos spécialistes sont à votre écoute pour vous accompagner.
Aux jeunes hommes qui banalisent les violences verbales et morales, quel message vous leur adressez ?
La violence est un fait social, mais aussi vient de l’éducation. Il est important que les jeunes prennent conscience que la violence n’est jamais justifiée, à plus forte raison envers les femmes mères et débrouillardes qu’elles soient célibataires ou mariées. Changer les habitudes commence par les paroles, les gestes, le partage équitable des tâches ménagères etc. respecter les droits des femmes ne doit pas être une faveur.
Je voudrais remercier les partenaires qui soutiennent AGIR dans cette lutte quotidienne pour que la femme ait la place qui lui revient dans la société.
Interview réalisée par Simon Minekpo